Voyage en absurdie…

Note de marchés de Jean-Marie Choffray

Pascal assure que : « Si le nez de Cléopâtre avait été différent, la face du monde en eût été changée… »

Le sentiment de Jean Dutourd, de l’Académie française, quant à la compétence de ceux qui nous représentent et nous gouvernent est connu de tous : « La terre est peuplée d’une infinité d’imbéciles, lesquels choisissent dans leur sein quelques-uns d’entre eux pour les conduire, ce qui explique la plupart des tragédies ou « drames nationaux » dont l’histoire des démocraties est jalonnée. » Mais…, c’est un homme sincère, qui mérite certainement que l’on respecte l’exercice d’uchronie auquel il se livre dans Le feld-maréchal von Bonaparte (Paris, Flammarion, 1996).

Si Louis XV n’avait pas acheté la Corse à la République de Gênes en 1767… Si Louis XVI avait fait entrer le 13 juillet 1789 deux régiments de cavalerie à Paris… Si Napoléon, qui avait besoin d’argent, n’avait pas vendu aux américains la Louisiane en 1803… « L’Histoire est faite de détails fortuits… Elle ne sait jamais où elle va au moment où elle s’accomplit… Elle n’a ni fatalité ni morale… Elle est le résultat de passions irréfléchies, d’insuffisances, de défauts de caractère, de mollesse, de sottise… Il est impossible de prévoir la route qu’elle prendra, ni même, l’ayant prise, où cette route la mènera… Le plus grand génie n’arrive à rien sans l’occasion, et la plus belle occasion sans un homme pour l’exploiter n’est qu’une péripétie… »

Dans la vie des affaires, que serait aujourd’hui le monde si Bill Gates n’avait pas abandonné ses études à Harvard… Si Steve Jobs n’avait pas été licencié d’Apple… Si Ben Bernanke n’avait pas été président de la Réserve Fédérale en 2008… Quels sont les événements qui auraient pu se produire alors, et qui ne se produiront peut-être jamais, mais dont on ne peut sous-estimer l’éventuel impact sur notre devenir s’ils se produisaient demain ? « Things that haven’t happened are as interesting as those that have happened, because if there are “Known knowns” – things we know that we know – there are also “Known unknowns” – things we know that we don’t know – and “Unknown unknowns” – things we don’t know that we don’t know! » rappelle Donald Rumsfeld, Ministre de la Défense des Presidents Gerald Ford et George W. Bush.

En supposant qu’il y en ait une…, la clé du devenir n’est donc que très rarement dans les événements passés, mais bien plutôt dans les événements « concurrents » qui, ne s’étant pas produits, pourraient s’ils se réalisaient demain en affecter l’accomplissement. L’important est donc nécessairement invisible, insensible, immatériel… Dans le domaine de l’investissement, et si l’on veut efficacement cerner et calibrer l’éventail des possibles, il est essentiel d’apprendre à entendre ce que ne disent pas les dirigeants ; à lire ce qui n’est pas écrit dans les états financiers et les rapports d’activité ; et à voir ce qui n’est pas explicité dans les modes d’organisation opérationnelle…

Ainsi, investir : c’est, avant toute autre chose, penser l’impensable, imaginer l’impossible, et paramétrer l’improbable !

Note : cette Note de marchés ne peut, ni ne doit, être considérée comme formulant, ou suggérant, le moindre conseil d’achat ou de vente de quelque produit financier que ce soit. Son seul objet est d’émettre un point de vue, et de le partager avec la communauté des investisseurs sceptiques, seuls responsables de leurs décisions.

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