Note de marchés de Jean-Marie Choffray
Il régnait au Massachusetts Institute of Technology, dans les années soixante-dix, un climat de saine et amicale compétition entre les étudiants des départements Economie et Management Science… Les premiers rêvaient sans doute aux Nobel à venir. Les autres, se consacraient aux révolutions en germe dans les domaines de l’informatique décentralisée, de l’intelligence statistique et de l’optimisation opérationnelle. Monde idéalisé contre monde réel… Réflexion contre action… Déjà alors !
C’est pourquoi les récents échanges entre mes lointains voisins de palier Ben Bernanke [1], Larry Summers [2] et Paul Krugman [3] m’ont particulièrement intéressé, et, autant l’avouer, amusé !
Sans surprise, on ne peut qu’apprécier la courtoisie avec laquelle ils semblent être d’accord sur leurs désaccords. Désaccord au niveau du diagnostic quant à la nature et à la sévérité de la situation actuelle : « liquidity trap », « secular stagnation » – forme persistente du « liquidity trap » –, « deflation », « lowflation », « saving glut », « weakness », ou simples « headwinds »… Désaccord au niveau des solutions envisageables : « fiscal policy » – soutien à l’investissent public et/ou privé –, « international capital mobility », et/ou stimulation de la demande au travers d’un « wealth effect » résultat de diverses « bubbles »… Enfin, désaccord quant au « Wicksellian natural rate of interest » ou « Equilibrium real interest rate » – taux d’équilibre entre l’épargne et l’investissement en situation de plein emploi, et donc non directement… observable ! –, qui, une fois comparé au taux d’intérêt réels, constitue un guide dans les choix monétaires (taux d’intérêt nominal à court terme, voire diverses formes de rachat d’actifs)…
Que retenir de ce « Mumbling with great incoherence » ? Pour ce qui me concerne, quatre choses :
1. Les meilleurs économistes n’ont pas une vision commune de l’exacte nature, des causes précises, et des conséquences, de la situation actuelle…
2. Les taux d’intérêt réels sont vraisemblablement, dès aujourd’hui, faiblement négatifs aux Etats-Unis (5 ans), et nettement négatifs en Europe et au Japon (dix ans et… plus !)…
3. La politique monétaire actuelle cherche à relever les anticipations d’inflation et donc à faire tendre les taux réels à la baisse…
4. Une politique fiscale de soutien à l’investissement public et/ou privé pourrait, si elle était bien calibrée (cibles, intensité et durée), avoir une incidence positive sur le redémarrage de la croissance…
Ce n’est donc pas demain que l’environnement macroéconomique mondial changera significativement. Il va falloir faire preuve de beaucoup de patience, redonner confiance en l’avenir et, sans doute, éviter les sources de conflit et de paralysie à quelque niveau que ce soit. Tout en conservant à l’esprit que les taux d’intérêt auront toujours tendance à être inférieurs au taux de croissance du PIB !
Ainsi, et comme l’observe Bill Gross [4]: « When Jim Cramer screamed “they know nothing, they know nothing”, he was being a little unfair but not by much…» !
[1] http://www.brookings.edu/blogs/ben-bernanke/posts/2015/03/31-why-interest-rates-low-secular-stagnation
[2] http://www.brookings.edu/blogs/ben-bernanke/posts/2015/04/01-larry-summers-response
[3] “Liquidity Traps, Local and Global (Somewhat Wonkish)”, http://krugman.blogs.nytimes.com/
[4] https://www.janus.com/bill-gross-investment-outlook
Note : cette Note de marchés ne peut, ni ne doit, être considérée comme formulant, ou suggérant, le moindre conseil d’achat ou de vente de quelque produit financier que ce soit. Son seul objet est d’émettre un point de vue, et de le partager avec la communauté des investisseurs sceptiques, seuls responsables de leurs décisions.