Ce rien qui n'existe pas, et qui, peut-être est…

Note de marchés de Jean-Marie Choffray

Comment ne pas s’interroger sur ce qui peut pousser un homme tel que Jean d’Ormesson, un académicien qui respire l’honnêteté et la sincérité, un homme qui a beaucoup vu, beaucoup lu, beaucoup entendu – et, sans doute, s’est même quelquefois tu… –, à consacrer un livre à « rien » ? Comme un chant d’espérance n’est pas un livre comme les autres. C’est un témoignage ; un testament ? A lire, et à méditer, cet été…

En ce début de vingt et unième siècle, notre monde semble se chercher, sans doute plus qu’il ne l’a jamais fait. Mais, peut-être, ce sentiment n’est-il que le reflet du fait que nous y sommes aujourd’hui associés ? Les grandes idéologies du passé, sur lesquelles son développement a régulièrement reposé, se sont essoufflées. Que reste-t-il du socialisme ? s’interroge Jean-Claude Tarondeau ? Que reste-t-il du capitalisme ? pourrait-on ajouter… Et quid de bien d’autres tru-ismes dépassés ou, malheureusement, récemment réveillés ?

Dans son dernier livre, Jean d’Ormesson parle de Dieu. Ce rien, qui n’existe pas, et qui, selon lui, est. Ce rien qui respecte notre liberté, invite à la fraternité et à la responsabilité. Ce rien qui définit ce qui précède – ce dernier terme perdant alors tout sens –, le mur de Planck et succède à la mort. Ce rien qui inspire l’esprit de l’homme – qui le distingue de toutes les autres formes vivantes –, et l’invite à la beauté, à la bonté et au bonheur. Le mystère l’emporterait-il sur l’absurde, sur la nécessité et sur le hasard ? Jean d’Ormesson aurait-il perdu la raison ? Chercherait-il à nous nuire, à nous manipuler, et, comme bien d’autres, à nous… diriger ? La vivacité, la profondeur et la clarté du regard apparaissant sur le bandeau de l’ouvrage semblent pourtant suggérer l’inverse.

André Malraux et son intuition sur le besoin d’un réveil des dieux… ; Ben Bernanke et son rappel au sens des responsabilités de « Ceux qui ont beaucoup reçu et auxquels il sera beaucoup demandé »… (Princeton University, 2 Juin 2013) ; Milton Friedman – Free to choose – et son avertissement qu’un système reposant sur une « Free enterprise exchange economy » constitue la condition nécessaire de la liberté, et garantit, même, la liberté de ceux qui visent à l’abolir… Autant d’observations invitant à la modestie, à la réflexion et, plus que jamais, au sens de l’action responsable !

Quant à nous, modestes investisseurs individuels agnostiques coincés entre le mur de Planck et la mort, quel rôle nous est-il imparti ? Sans aucun doute, de contribuer au financement intelligent des entreprises les plus visionnaires et les plus responsables, dont la mission cherche à améliorer le sort – quelle que soit la dimension considérée – de ceux qui nous accompagnent dans le temps, et que la nécessité et/ou les hasards de la vie ont doté d’autres qualités que celles requises pour mesurer l’utilité – la valeur, et non le prix ! – du travail collectif des hommes, ainsi que l’utilité relative des activités nouvelles sur lesquelles repose leur devenir. Une main invisible au service du… bien ? A chacun d’en décider.

Note : cette Note de marchés ne peut, ni ne doit, être considérée comme formulant, ou suggérant, le moindre conseil d’achat ou de vente de quelque produit financier que ce soit. Son seul objet est d’émettre un point de vue, et de le partager avec la communauté des investisseurs sceptiques, seuls responsables de leurs décisions.

Jean-Marie Choffray

Professeur de marketing à l’ESSEC et à l’Université de Liège

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