Apocalypse ? Not now…

Note de marchés de Jean-Marie Choffray

J’ai une profonde admiration pour l’œuvre de René Girard (« Des choses cachées depuis la fondation du monde »… « Achever Clausewitz »). Professeur de littérature, passionné d’histoire, anthropologue, il a passé sa vie entre les Etats-Unis et la France. Dans « Des choses cachées depuis la fondation du monde », il précise sa pensée sur les mécanismes qui régissent le comportement des hommes en société. A partir des lois psychologiques que maîtrisent les grands auteurs, il propose une théorie de la rivalité mimétique, selon laquelle à travers l’objet, c’est toujours l’être du modèle qui est visé. « Tout désir est désir d’être. »

Selon lui, une crise est toujours le résultat de la propagation de rivalités mimétiques. A son paroxysme, la fascination passe de l’objet aux acteurs impliqués, et le tous contre tous se transforme en tous contre un, générant une victime arbitraire qui focalise sur elle la violence : le bouc émissaire ! Son sacrifice libère chacun de sa barbarie. C’est le miracle de la paix retrouvée. La victime devient sacrée, portant en elle la capacité de déchaîner la crise comme celle de ramener la paix ! « C’est la genèse du religieux archaïque que René Girard vient de découvrir : du sacrifice rituel comme répétition de l’événement originaire, du mythe comme récit de cet événement, des interdits qui sont l’interdiction d’accès à tous les objets à l’origine des rivalités qui ont dégénéré dans cette crise absolument traumatisante. Cette élaboration religieuse se fait progressivement au long de la répétition des crises mimétiques dont la résolution n’apporte la paix que de façon temporaire. » (Wikipédia)

Dans « Achever Clausewitz », Girard explore la pensée du théoricien militaire sur la « montée aux extrêmes » observée dans les rapports humains quand ils deviennent hostiles. La violence non maîtrisable peut conduire au pire : l’apocalypse… Etat dans lequel il n’est pas interdit de penser que notre monde soit entré aujourd’hui… Mais, comme l’observe l’auteur : « Renoncer à la violence, c’est sortir du cycle de la vengeance et des représailles… C’est l’apport singulier du christianisme. »

Dans « A short history of financial euphoria », Galbraith décrit la régularité avec laquelle les marchés financiers connaissent des chutes dans la démence. Il observe que les épisodes euphoriques, où la hausse provoque la hausse – ou la baisse engendre la baisse –, sont internes au marché lui-même. Comportement imitatif, rivalité mimétique avez-vous peut-être pensé ? Ces épisodes impliquent toujours une dette excessive (levier) qui exacerbe les comportements. Ils sont farouchement soutenus par ceux qui en profitent et fustigent ceux qui ont l’audace de douter…

Il me semble difficile de ne pas établir un lien entre la théorie de Girard et les observations de Galbraith ! Le comportement des investisseurs – individuels et/ou institutionnels –, intègre incontestablement une dimension mimétique. Et, je pense que les excès des marchés gagneraient à être analysés comme autant d’exemples d’« escalades dans la violence ! » La recherche de boucs émissaires et l’élaboration de mythes et d’interdits participeraient alors naturellement d’une forme de retour au calme et à la réalité…

Le pire n’étant jamais certain, et les grandes décisions, les plus courageuses, ne se prenant généralement que face au précipice, je doute de l’imminence de l’apocalypse… Je vous invite donc à parier sur le fait que le monde sera toujours là dans cent ans et que vous êtes personnellement invités à contribuer à son amélioration, à son harmonie et à son intégrité, au travers des investissements d’avenir que vous réaliserez au cours du temps qui vous reste… à vivre ! Pas de chance, donc. C’est votre tour. Au boulot !

Note : cette Note de marchés ne peut, ni ne doit, être considérée comme formulant, ou suggérant, le moindre conseil d’achat ou de vente de quelque produit financier que ce soit. Son seul objet est d’émettre un point de vue, et de le partager avec la communauté des investisseurs sceptiques, seuls responsables de leurs décisions.

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