Enjeux de la pratique de la pleine conscience et de l’intelligence émotionnelle dans la fonction de contrôle de gestion

Enjeux de la pratique de la pleine conscience et de l’intelligence émotionnelle dans la fonction de contrôle de gestion

Jessica BAOUNON

Dans cet article, Jessica BAOUNON (ESSEC Business School, Executive Master in Direction Financière et Contrôle de Gestion, 2020-2022) explique les enjeux de la pratique de la pleine conscience et de l’intelligence émotionnelle dans la fonction contrôle de gestion. Le monde de l’entreprise s’est considérablement transformé avec la crise du COVID-19. L’appel à l’intelligence émotionnelle n’a jamais été aussi important pour faire face aux situations les plus complexes.

La fonction contrôle de gestion est en pleine évolution. Ses missions ne portent plus uniquement sur la production et la communication d’indicateurs financiers. Son rôle consiste désormais à accompagner dirigeants et managers dans l’amélioration de la performance financière, c’est-à-dire à les conseiller sur les décisions d’orientations stratégiques.

La crise Covid-19 a projeté le contrôle de gestion davantage vers un rôle de « coach. En effet, en étant proche de ceux qui ont dû garantir la continuité des activités, le contrôle de gestion a dû se pencher sur l’empathie dans sa relation établie avec dirigeants et managers. On attend de lui une attitude d’écoute, de disponibilité, une capacité à se placer dans le contexte de son interlocuteur pour agir avec efficacité et désamorcer des situations de crise.

En d’autres termes, acquérir des compétences relationnelles et se doter d’un capital émotionnel sont aujourd’hui des qualités recherchées. L’action d’un contrôleur de gestion s’inscrit de plus en plus dans un état d’esprit collaboratif. Il remplit une fonction de business partner.

Or comment imaginer qu’un contrôleur de gestion puisse construire une relation de partenariat pérenne s’il n’est lui-même pas pleinement conscient de l’environnement dans lequel il évolue ? Sa prise de conscience de soi et des autres doit faciliter ses interactions sociales.

A ce titre, s’exercer à une pratique régulière de méditation de pleine conscience peut s’avérer efficace pour travailler son intelligence émotionnelle. En effet, l’exercice de la pleine conscience implique avant tout de ressentir et comprendre les émotions en portant une qualité d’attention sur une expérience vécue. C’est une attitude qui propose d’ouvrir un espace d’observation sans filtre, sans attente, de ses sensations, pensées, émotions d’une action, d’un évènement dans l’acceptation et sans jugement.

Ce processus d’observation permet ainsi de mieux aller vers l’autre en apportant une réponse adaptée et clairvoyante dans des dialogues de gestion. Elle permet notamment de reprendre possession de soi dans des situations de stress ou de gestion de conflit.

Origines et impact de la pratique de la pleine conscience dans la fonction contrôle de gestion

Jon Kabat Zin, professeur de médecine à l’Université du Massachussetts et docteur en biologie, est le père-fondateur de la méditation de pleine conscience. Intitulé Mindfullness-Based Stress Reduction (MBSR), ce programme laïque inspiré du bouddhisme, offre une initiation à la méditation sur une période de huit semaines.

Cette pratique, à l’origine millénaire, s’est progressivement répandue avec succès dans les écoles scientifiques, philosophiques et psychologiques. Elle émerge depuis quelques années dans les entreprises telle que chez EDF, Google ou L’Oréal au travers de formations certifiées.

Google, précurseur, propose à ses collaborateurs depuis 2007 un programme de méditation nommé « Search Inside Yourself ». Chade-Meng Tan, ingénieur chez Google, a réuni une équipe d’experts en technique de pleine conscience et intelligence émotionnelle pour construire cette formation. L’objectif est de développer des compétences d’intelligence émotionnelle pour créer une cohésion sociale favorable à l’épanouissement individuelle et collectif chez Google. Ces cours ont été dispensés auprès de plus de 10 000 personnes et dans plus de 50 pays.

Cette pratique se démocratise et est perçue de moins en moins comme une bizarrerie. Face à un contexte de crises successives, burn out, démotivation des collaborateurs, rééquilibrer les esprits pour évoluer dans un environnement sain devient un enjeu de performance cruciale. Plus que jamais, et en témoigne la récente crise du Covid-19, la responsabilité sociale d’une entreprise est de créer les conditions qui permettront une cohésion sociale durable.

En outre, face à l’ampleur d’imprévisibles changements, la mission du contrôle de gestion consistant à assurer la stabilité des processus de gestion doit s’accompagner d’une réflexion constante sur l’évolution des outils et systèmes d’information. Si les solutions d’automatisation des processus de gestion gagnent du terrain pour répondre à une volonté de rapidité d’exécution, elle ne doit pas pour autant conduire à un mode de pilotage automatique des taches d’un contrôleur de gestion.

Cette approche machinale de la fonction contrôle de gestion doit être signe d’alerte. En effet, le danger de cette posture est de se laisser gouverner, de ne plus observer activement les choses sous un regard nouveau et d’en perdre le sens. Dans un monde où l’humain rivalise de plus en plus avec les machines, développer un état d’esprit créatif et stimuler sa conscience d’esprit est un enjeu essentiel. La pleine conscience, en tant qu’outil, agit comme un accélérateur de créativité. Elle oblige à se libérer d’un mode de fonctionnement mécanique des processus en étant attentif à ce que l’on fait et à ce qui nous entoure pour cheminer vers des nouvelles idées. Avec la montée en puissance des technologies, cette qualité encore absente du langage courant, se retrouvera plus encore demain, dans les exigences de compétences requises en contrôle de gestion.

Innover avec un style de management durable

Dans cette même dynamique de changement, on assiste à une « reconnaissance accrue du rôle des émotions comme action et effet dans les organisations » (1). Celle-ci questionne les modèles de management classiques jugé trop bureaucratique et militaire « dans leur tentative de contrôler, supprimer toute émotion qui interférer la rationalité d’actions souhaitées » (1). L’essoufflement du modèle tayloriste est en train de laisser progressivement place à de nouveaux paradigmes. Cette transformation s’explique par une logique de revalorisation du capital humain subordonnée à celle de l’efficience productive. En outre, la montée en puissance de la Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE) a donné lieu à d’importants renversements.

« La recherche de profit n’est pas en soi problématique, ce qui l’est c’est de ne souligner que le profit au détriment de la complexité de réalités humaines » (Bibard Laurent). En témoigne l’affaire Bhopal ou Orange qui ont eu pour effet de révéler une profonde dévalorisation des conditions de travail. Un renversement de rôle qui renvoie également à la question du sens, d’une humanité en prise de conscience sur ce qui ne fonctionne plus, sur la nécessité de l’entreprise à s’ancrer dans un monde durable et servir l’intérêt général.

Pour arriver à cet objectif de durabilité, reconstruire un modèle de management responsable en s’appuyant sur les acquis de la psychologie cognitive et sociale constitue une première solution. Les émotions ont été rejeté pendant très longtemps des visions managériales des entreprises. Or les récentes découvertes en psychologie démontrent que développer des compétences en intelligence émotionnelle permet de développer de réelles qualités relationnelles, de prendre de meilleures décisions et de se montrer bien plus créatif.

Dans un monde incertain rythmé par des crises financières, environnementales et sociales, chaque individu doit être en mesure de pouvoir se défaire de biais cognitifs, en se libérant de ses croyances limitantes pour contribuer à une vision d’un monde juste et responsable. La pratique de la pleine conscience et de l’intelligence émotionnelle contribue à mobiliser une connaissance de soi. Elle permet aux contrôleurs de gestion ainsi qu’à l’ensemble des collaborateurs de questionner la pertinence de leurs actions et décisions sous l’angle de leurs émotions. Cette pratique invite ainsi à nous rappeler ce que nous sommes : des êtres humains.

En quoi ça m’intéresse ?

Dans un monde où l’humain rivalise de plus en plus avec les machines, développer un état d’esprit créatif et stimuler sa conscience d’esprit est essentiel. Cet article présente les bénéfices de la pratique de la pleine conscience et de l’intelligence émotionnelle dans la fonction contrôle de gestion afin d’y apporter d’un éclairage sur ces nouvelles compétences recherchées.

Articles sur le blog SimTrade

   ▶ POUZOL Chloé Mon expérience de contrôleuse de gestion chez Edgar Suites

Ressources utiles

Teneau, Gilles, Empathie et compassion en entreprise, 2014, ISTE Editions.

Tan, Cheng-Made, Search Inside Yourself, 2015, Harper Collins Libri

Kotsou, Ilios – « Intelligence émotionnelle & management », 2016, De Boeck

Cappelletti, Laurent. Le management de la relation client des professions : un nouveau sujet d’investigation pour le contrôle de gestion, 2010, Revue Management et Avenir.

A propos de l’auteure

Cet article a été écrit en octobre 2022 par Jessica BAOUNON (ESSEC Business School, Executive Master in Direction Financière et Contrôle de Gestion 2020-2022).

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