Il est de bon ton en philosophie de dire que l’ignorance est mère de tous les vices, de toutes les corruptions, de toutes les exploitations. Or, cela semble bien vraisemblable. Il est moins connu que les organisations sont mères de l’ignorance, et que les principaux efforts managériaux sont de lutter contre la montée inévitable de l’ignorance au sein des organisations pour éviter des défaillances de tous ordres (économiques, sociales, éthiques, etc.).
L’ignorance est le lot commun des organisations, parce que la vie et les préoccupations quotidiennes de la vie personnelle comme professionnelle séparent les personnes les unes des autres. Faire au jour le jour son travail, quand bien même ce serait simplement celui de vivre, limite tendanciellement l’intérêt, les questions, et la compréhension du monde à ce que chacune et chacun connaît et voit tous les jours, en faisant progressivement perdre de vue l’ensemble où ont lieu activités et vie. Du point de vue de la théorie des organisations, un tel constat peut s’exprimer en disant que les routines et les savoir-faire organisationnels, à la fois indispensables à la vie et aux opérations de tous les jours, menacent les dites organisations d’éclatement par ignorance et fragmentation de compétences. Chacun, pris dans la rationalité limitée de son activité, perd spontanément de vue, et le plus souvent sans s’en apercevoir, la compréhension d’ensemble de l’organisation, ou ce qu’y font les autres.
Or, c’est exactement ce qui se passe actuellement au niveau mondial. Tout le monde parle de mondialisation et de globalisation de l’économie, mais tout le monde parle tout autant de crise, d’incertitude, de complexité entendue comme un problème. Or, ces crise, incertitude et complexité qui font peur, tiennent sans doute au fait que le monde qui est une vaste organisation – l’organisation ultime des hommes et des femmes – est composé d’éléments qui interagissent de plus en plus entre eux, à tous niveaux et de plus en plus vite, en s’ignorant fondamentalement les uns les autres. Une ignorance qui va croissant car, malgré des interconnexions multiples et en augmentation constante, les éléments connectés les uns aux autres ne se connaissent pas. Il en est exactement ainsi des relations entre les sphères économique, sociale et financière de la vie mondiale contemporaine.
Dans un tel contexte, la compréhension des logiques « des autres » est essentielle à chacune et chacun pour une harmonie minimum des échanges et de leurs productions. L’enseignement de ces logiques est donc crucial pour favoriser, autant que faire se peut, une interaction intelligente et favorable au bien commun mondial au détriment de l’enfoncement aveugle dans des logiques s’ignorant les unes les autres, alors interconnectés pour le pire. C’est ce que propose SimTrade sur le plan de la finance. SimTrade est un outil décisif pour comprendre de façon simple la complexité du monde des affaires : complexité des interactions entre monde réel des entreprises et monde virtuel des marchés financiers, complexité des comportements des agents économiques et de leur réalisation dans les échanges, complexité des mouvements de prix de marché oscillant entre efficience rationnelle – par l’analyse et la gestion – et exubérance irrationnelle des attentes.
Laurent Bibard
Professeur de management – ESSEC Business School
Titulaire de chaire – Chaire Edgar Morin de la complexité